Jovita témoigne

17déc.2012

Jovita Montes

Le 10 décembre dernier, nous célébrions partout dans le monde le 54e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Des droits qui, dans certains pays, continuent hélas d’être allégrement bafoués. Forte du soutien des utilisateurs Ello, Gabriela – une organisation philippine de défense des droits de la femme – met tout en œuvre afin de changer les choses.

Psychologue de formation, Jovita « Obeth » Montes est l’un des visages de Gabriela, une organisation qui défend les intérêts des femmes aux Philippines. « Leurs droits sont loin d’être respectés. De 1965 à 1986, le pays a subi les abus de Ferdinand Marcos et de son régime dictatorial. Une triste période au cours de laquelle les droits de l’homme ont été constamment violés. Vingt-six ans plus tard, rien n’a changé. Les femmes continuent de disparaître sans laisser de traces, d’être violées et assassinées. »

L’appât du gain

« En 1990, le président de l’époque, Corazon Aquino, a fait passer une loi visant à mobiliser le secteur privé et à l’inciter à investir aux Philippines. Le gouvernement a notamment utilisé l’exploitation minière afin d’appâter les investisseurs potentiels. Ce partenariat public-privé aura eu des conséquences désastreuses pour d’innombrables familles, allant de l’expulsion ou de l’expropriation à des mesures plus draconiennes, comme le meurtre. L’année dernière, la femme d’un chef de clan, ses deux enfant et le bébé qu’elle attendait ont été assassinés parce qu’ils refusaient de céder leur propriété. Le lundi 10 décembre dernier, Gabriela a donc organisé une campagne contre l’exploitation minière. Une action d’autant plus nécessaire que la presse et les médias locaux n’accordent aucune attention à cette problématique et à ce genre de faits. »

Double jeu

« Ce partenariat public-privé s’exprime également à d’autres niveaux : les autorités ont notamment élaboré un programme de protection. Via des activités à vocation sociale, le gouvernement philippin tente de gagner le cœur de la population. L’armée organise par exemple des missions médicales et fournit des explications à la population afin d’obtenir sa confiance. À première vue, tout cela semble très positif. Hélas, la réalité est tout autre. L’armée joue en effet double jeu, dans le sens où elle est bien trop souvent impliquée dans les disparitions, les viols et les meurtres. Ce qui angoisse naturellement la population. »

Aucune justice

« Notre organisation de défense des droits de la femme constate que bon nombre d’actes de violence à leur égard sont commis par des membres de l’armée ou d’autres représentants de la force publique. Il y a quelques mois, une jeune fille de 17 ans a été invitée à venir fêter le jubilée du bataillon. Après un verre, elle a complètement perdu connaissance, puis s’est réveillée en pleine hystérie. La seule chose dont elle se souvenait, c’est que trois hommes s’étaient mis sur elle. Elle a été redirigée vers un hôpital, où les médecins ont découvert qu’elle avait été violée par plusieurs hommes. Je l’ai rencontrée pour la première fois alors qu’elle avait déjà été placée en institut psychiatrique. Elle a été marquée à vie, au plus profond d’elle-même. Mais les preuves manquent… Il semblerait donc que cette jeune fille n’obtiendra jamais justice. Lorsque j’ai voulu m’entretenir avec le procureur au sujet de cette affaire, il m’a directement demandé de partir en apprenant que je représentais Gabriela. De plus, ils négocient avec la famille de la jeune fille avant de s’assurer que cette affaire ne soit jamais portée devant un tribunal. »

Méfiance…

« Gabriela fournit aux victimes de violences les conseils juridiques dont elles ont besoin. Lorsqu’elles décident d’accuser leurs bourreaux devant la loi, elles peuvent demander à bénéficier du programme de protection. Gabriela leur offre un toit à l’abri du danger. De plus, elles perçoivent une indemnité pour la période durant laquelle elles vivent cachées. Cela fait 25 ans que Gabriela est la plus grande organisation de défense des droits de la femme aux Philippines – au total, nous sommes environ 130 représentants. Nous avons également des liens avec d’autres organisations de défense des femmes philippines à l’étranger. Peu à peu, nous touchons de plus en plus de personnes, ce qui n’est pas sans énerver les politiciens. C’est pourquoi ils tentent de faire pression sur les femmes philippines, pour les dissuader de contacter notre organisation. De temps en temps, Gabriela organise des activités pour ses membres. Ces dernières années, nous avons eu l’impression que certaines instances nous regardaient constamment avec méfiance. »

Plus de violence, plus de sensibilisation

« La violence à l’égard des femmes ne cesse d’empirer. L’année passée, Gabriela a enregistré en moyenne 30 cas de violence par mois. Ces derniers mois, ce chiffre oscille entre 60 et 70. L’explication est simple : de plus en plus de femmes connaissent notre organisation et sont conscientes de leurs droits. Nous ne pouvons qu’encourager cette prise de conscience et continuerons à tout faire pour qu’elle s’accélère. »

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